Les grands saxophonistes de Jazz

Ces textes ont été réalisés par Actinotes sous formes de panneaux pour les journées du patrimoine 2004

(voir nos archives).

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1. Le Swing : le saxophone fait son entrée dans l’histoire du jazz.

Le saxophone apparaît relativement tard dans le jazz, à la fin des années 1910. Son rôle est alors de doubler plus ou moins certains instruments, de faire la basse ou de broder un fonds sonore. L’instrument ne prend son essor qu’à la fin de la décennie suivante, quand naît la période Swing, celle des big bands d’une quinzaine de musiciens. Le pianiste, compositeur et arrangeur Fletcher Henderson (1897-1952) est l’architecte de ces grands orchestres swing. Grâce à ses arrangements, le pupitre de saxophones (deux altos et deux ténors) devient une section homogène et autonome, capable de dialoguer avec le reste de l’orchestre. En 1924, il intègre dans son orchestre Coleman Hawkins, un des premiers solistes vedettes de l’histoire du saxophone, rivalisant avec les trompettistes qui occupent alors le devant de la scène « jazz ».

Coleman Hawkins (1904-1969)

Bien que les années 1920 illustrent l’age du jazz et que le saxophone représente l’emblème de cette musique, à cette époque-là, on joue très mal de cet instrument. Ce n’est qu’en novembre 1929 qu’est enregistré au saxophone ténor un solo de jazz convaincant et digne de ce nom. Le musicien s’appelle Coleman Hawkins. Il vient de faire du saxophone ténor un véritable instrument et dès lors, sa manière de jouer est pour tous l’unique référence. En 1934, il quitte l’orchestre de Fletcher Henderson et s’embarque pour l’Europe où sa présence a un impact incalculable du le développement du jazz sur le Vieux Continent. Il retourne aux états-Unis à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

 

2. Le Bebop

Vers le milieu des années 40, un nouveau courant apparaît dans le Jazz : le Bebop. Il naît par opposition aux orchestres de swing qui, s’ils ont permis à un plus large public de connaître le jazz, ont détourné cette musique sous une forme moins authentique. La révolution Bebop est d’abord celle du saxophone et d’un saxophoniste alto : Charlie Parker, surnommé « Bird » (l’Oiseau). Bird, le trompettiste Dizzy Gillespie ou le pianiste et chef d’orchestre Thelonious Monk expérimentent cette nouvelle musique basée sur un tempo très rapide et une formation de musiciens bien souvent limitée à une rythmique (batterie, contrebasse, piano) et quelques instruments à vent comme une trompette et un saxophone. En outre, ils apportent des enrichissements aux accords et utilisent dans leurs chorus, c'est-à-dire leurs solos, des notes de passage qu'on aurait auparavant trouvées dissonantes. Sur le plan rythmique, ils appuient plus volontiers les 2e et 4e temps d'une mesure, au lieu de le faire traditionnellement sur le 1er et le 3e.

Charlie Parker (1920-1955)

Ce cliché si caractéristique date de 1948, quand Parker se produisait à la tête de son célèbre quintette dans divers clubs de la 52e rue à New York. Les gens qui le virent racontent que, lorsqu’il jouait, les mouvements de sa pomme d’Adam imprimaient à son nœud papillon un va-et-vient vertical

 

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3. Le Cool jazz

En même temps que le Bebop naît le Cool jazz. Les musiciens qui se réclament de ce mouvement préfèrent les lignes mélodiques plus lentes et harmonieuses au côté plus saccadé et rythmique du Bebop. Cette nouvelle forme de Jazz va plus particulièrement plaire aux musiciens de la côte Ouest des états-Unis et de Californie, d'où son autre appellation : West Coast Jazz. Pourtant tout commence à New York. Alors que le BeBop devient réellement populaire dans les clubs de Manhattan, un groupe de jeunes musiciens se réunit sous la houlette du compositeur et arrangeur Gil Evans. Ils vont produire à travers le disque "Birth Of The Cool" une musique différente et originale qui se détache de tout ce qu'on avait pu entendre avant. Le disque s'avère être un échec commercial, mais qu'importe : on assiste à la naissance d'un tout autre jazz, fait de lignes mélodiques très recherchées et d'arrangements complexes. Parmi la formation de neuf musiciens que l'on peut entendre sur le disque "Birth Of The Cool", on trouve le tout jeune Miles Davis, qui avait auparavant joué avec Charlie Parker, mais aussi le saxophoniste Gerry Mulligan. Le Cool Jazz, c'est aussi le célèbre Quintet de Dave Brubeck, avec le fameux saxophoniste alto Paul Desmond.

Gerry Mulligan (1927-1996)

Gerry Mulligan est important dans l'histoire du jazz et du saxophone à plus d'un titre, d'abord parce qu'il fut un excellent arrangeur et créateur, mais aussi parce qu'il a contribué à faire du saxophone baryton un instrument de soliste, et non d'accompagnement. Après s'être distingué avec "Birth Of The Cool", il deviendra célèbre grâce à son concept de quartette sans piano. Il commence en 1952 avec le trompettiste Chet Baker, puis joueront avec lui successivement le saxophoniste ténor Ben Webster, le tromboniste Bob Brookmeyer, ou encore le saxophoniste alto Paul Desmond.

 

4. Rollins et Coltrane

Avec les deux saxophonistes ténors Sonny Rollins et John Coltrane, le saxophone prend la première place sur la scène « jazz », devant la trompette. Rollins s’inscrit dans le courant musical appelé Hard Bop. En opposition à la douceur du Cool jazz, le Hard Bop se veut un jazz plus dur, un retour aux sources du jazz. L’album « Saxophon Colossus » de 1956 tient lieu de manifeste stylistique de Sonny Rollins qui se pose comme le tenant le plus dur du Hard Bop. La même année, il enregistre un mémorable « Tenor Madness » avec John Coltrane ; entre les deux jazzmen, c’est une lutte secrète et ineffable pour le titre virtuel du meilleur ténor de l’après-bop.

John Coltrane déborde les limites du hard bop et annonce la liberté du free jazz. Il est, avec Charlie Parker, le saxophoniste qui aura le plus influencé de générations successives. Il intègre le quintette puis le sextette de Miles Davis et sa sonorité et son discours volubile contraste avec la concision de son leader. Il forme son propre quartette en 1960 et se lance dans le jazz modal qui permet une plus grande liberté d’improvisation. Il utilise également le saxophone soprano, assez rare à l’époque. Son lyrisme de plus en plus incandescent trouve son vocabulaire dans des improvisations de longue durée avec des notes harmoniques, doublées, suraiguës. Avec la découverte des modes musicaux d’Orient et les rencontres avec des musiciens comme Eric Dolphy ou Pharoah Sanders, sa musique devient un trait d’union entre le bebop et le free-jazz qu’il contribue à faire éclore.

 

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5. Le free jazz

Les années 1960 furent particulièrement aux Etats-Unis une période de troubles (guerre du Vietnam, mouvements contestataires étudiants, revendication de l’identité noire...). Au diapason de cette époque de tension et de révolte, les jazzmen noirs élaborent une musique libertaire : le free jazz.. Sous le parrainage de Charlie Mingus et de John Coltrane, ils créent une musique révolutionnaire qui s’affranchit de toute organisation. Cette improvisation absolue avec l’abandon de tous les codes musicaux (mélodie, harmonie, rythme) déroute public et critique.

Pourtant, jusqu’à la fin des années 1970, le free trouve une certaine audience auprès d’une élite intellectuelle aux Etats-Unis et dans le monde entier, notamment en Europe où son esprit de liberté permet aux musiciens d’inventer des musiques basées sur l’improvisation, très différentes les unes des autres.

Roland Kirk (1936-1977)

Dans l’histoire du jazz, Roland Kirk reste une figure d’exception. Il jouait régulièrement de trois instruments à la fois. L’un de ses saxophones était un modèle ordinaire de ténor mais les deux autres avaient été conçus à sa demande à partir d’une série dont la fabrication avait été abandonnée depuis longtemps. L’un, le manzello (à gauche sur la photo) était un saxophone soprano courbe inventé dans les années 1920. L’autre, le « stritch » (entre le manzello et le ténor sur la photo), était un saxophone alto qui avait été redressé. Il maîtrisait la respiration circulaire (technique permettant d’inspirer et d’expirer de l’air en même temps) qui lui permettait de jouer plusieurs minutes d’affilée sans marquer de pause pour reprendre sa respiration.

 

6. Le jazz-rock

Le jazz s’est ouvert au rock dans les années 1970, grâce notamment à Miles Davis. Sa sonorité glacée plane sur une musique où se mêlent divers instruments électriques – guitares et claviers sont prépondérants – sur une rythmique binaire héritée du rock. De nombreux musiciens marqués par leur passage dans les formations de Miles Davis poursuivent leur propre carrière. Parmi « les enfants de Miles », il faut indiquer les saxophonistes Wayne Shorter, Dave Liebman, Steve Grossman, Bill Evans et Kenny Garrett. Les instruments électriques et électroniques sont de plus en plus utilisés ; ainsi, Michael Brecker est l’un des premiers à expérimenter un saxophone électronique - ‘l’EWI (electronic wind instrument) - qui adapte l’éventail sonore d’un synthétiseur à l’embouchure et au doigté du saxophone.

Si le succès commercial du jazz-rock fut au rendez-vous, il ne l’est plus aujourd’hui car le style a dégénéré, les progrès de la lutherie électronique ne suffisant pas à masquer une musique souvent aseptisée de musiciens moins inspirés.

 

7. Et aujourd’hui ?

Le jazz contemporain est d’une extrême diversité. Les œuvres de jazz créées aujourd’hui forment une véritable mosaïque de musiques qui empruntent aussi bien au passé du jazz et à ses sources qu’aux cultures musicales de tous les pays et de toutes les époques. un certain nombre d'interprètes se sont efforcés de faire revivre divers styles de jazz, surtout le be-bop et le hard-bop, comme les saxophonistes Joshua Redman et James Carter. Cependant, des musiciens comme Steve Coleman continuent d'innover dans le prolongement de la tradition afro-américaine, en la confrontant à d'autres styles. En Europe, une multitude de musiciens développent des formes originales de musiques improvisées, utilisant certaines formes du jazz tout en élaborant des systèmes d'improvisation, des contenus harmonique et rythmique propres à leurs traditions ou inspirés de la musique contemporaine. Ainsi le saxophoniste soprano norvégien Jan Garbarek a su faire vivre l'esprit du jazz en le nourrissant du folklore scandinave. Encore plus récemment, des musiciens, comme le saxophoniste Julien Lourau, mélangent le son de leur instrument acoustique avec la musique électronique.

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